Des études scientifiques réalisées grâce au soutien aux plateformes de Saint-Louis
Prédispositions génétiques à l’insuffisance médullaire
L’insuffisance médullaire (ou aplasie médullaire) est une maladie de la moelle osseuse à l’origine de cytopénies, c’est-à-dire d’anémie (déficit en globules rouges), thrombopénie (plaquettes) et neutropénies (globules blancs), exposant les patients à un essoufflement, des saignements et des infections à répétition. Ces maladies peuvent évoluer secondairement en leucémies aiguë. Dans certains cas, cette maladie est d’origine génétique, ce qui signifie qu’elle est causée ou favorisée par la mutation d’un gène (héritée ou non) chez le patient. L’origine génétique est suspectée devant une histoire familiale ou personnelle de maladie hématologique ou de cancer, lorsque les patients sont très jeunes, en encore quand la maladie s’associe à des malformations. L’identification d’un gène responsable de la maladie est très importante puisqu’elle permet de rechercher la même mutation dans la famille (conseil génétique), d’adapter les conditions de l’allogreffe de moelle souvent nécessaire, et de suivre les patients en fonction des caractéristiques connues de la maladie génétique identifiée.
L’équipe de Jean Soulier a étudié des patients atteints d’aplasie médullaire, provenant de toute la France, chez qui une cause génétique était suspectée mais non identifiée. En séquencant l’ADN des gènes (exome) de ces patients, un diagnostic de maladie génétique a pu être établi chez 86 patients. En particulier, trois syndromes non suspectés ont été identifiés. Le premier syndrome est lié à des mutations d’un gène appelé MECOM (qui code pour une protéine appelée EVI1), retrouvées chez 6 patients. Tous étaient très jeunes au diagnostic d’aplasie médullaire (période néonatale) et tous ont bénéficié d’une greffe de moelle avant l’âge de trois ans avec une bonne tolérance. Le deuxième syndrome est lié à des mutations dans le gène ERCC6L2, qui a été retrouvé chez 7 patients plus âgés avec souvent une moelle plus atteinte (myélodysplasie). Un autre syndrome remarquable correspond à des mutations dans des gènes appelés SAMD9 et SAMD9L qui ont été retrouvés chez 16 patients, d’âge variés, mais présentaient pour la majorité une perte du chromosome 7 ainsi que des anomalies neurologiques comme des troubles de l’équilibre. De façon très étonnante, certains patients ont montré une régression spontanée des cytopénies et certaines greffes prévues ont été annulées chez des patients qui vont aujourd’hui toujours bien alors que ces anomalies du chromosome 7 sont classiquement de mauvais pronostic.
Ces nouveaux syndromes génétiques d’insuffisance médullaire sont aujourd’hui recherchés « en routine » à l’hôpital Saint-Louis ce qui permet d’adapter précocement la prise en charge des patients. Ce travail a été publié dans la revue américaine Blood :


Une avancée majeure contre la leucémie : une étude sur la maladie résiduelle chez les patients atteints de leucémie aiguë à chromosome
L’association Saint-Louis a le plaisir de partager une avancée scientifique majeure, issue des travaux du groupe coopérateur GRAALL (Group for Research in Adult Acute Lymphoblastic Leukemia), menés sous la coordination des Professeurs Emmanuelle Clappier et Nicolas Boissel à l’hôpital Saint-Louis. Publiée dans le prestigieux Journal of Clinical Oncology, cette étude redéfinit les stratégies de surveillance de la maladie résiduelle dans une forme spécifique de leucémie aiguë : la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) à chromosome de Philadelphie, la forme la plus fréquente de LAL chez l’adulte.
Un nouvel éclairage sur la maladie résiduelle
La maladie résiduelle, qui permet de détecter les rares cellules leucémiques persistantes après les premières cures de traitement, est un outil clé pour évaluer la réponse, le risque de rechute et guider les décisions thérapeutiques. Jusqu’à présent, le suivi de la maladie résiduelle dans cette forme de leucémie reposait sur la quantification de BCR::ABL1, un marqueur génétique spécifique. Cependant, cette étude a révélé que ce marqueur peut être détecté dans des cellules non leucémiques et qu’il prédit mal l’évolution clinique des patients. Les chercheurs ont montré que des marqueurs spécifiques aux cellules lymphoïdes (IG/TR) permettent d’identifier de façon bien plus fiable les patients mauvais répondeurs, à haut risque de rechute.
Vers une meilleure prise en charge de la leucémie
Grâce à cette nouvelle approche de la maladie résiduelle, l’étude a démontré que les patients à haut risque de rechute tirent un grand bénéfice de la greffe de cellules souches hématopoïétiques. A l’inverse, les patients bons répondeurs ont de bonnes chances de survie sans avoir recours à cette procédure lourde. Ces résultats ouvrent la voie à une prise en charge plus personnalisée, permettant d’intensifier les traitements pour les patients à haut risque tout en limitant des traitements lourds et inutiles pour les autres.
Une collaboration internationale au service de la recherche et des patients
Cette étude marque un tournant dans la compréhension et le traitement de la LAL à chromosome de Philadelphie. Elle a été rendue possible grâce à la participation de 264 patients pris en charge dans plus de 80 centres cliniques en France, en Belgique et en Suisse, qui collaborent au sein du groupe coopérateur GRAALL, leader international dans la recherche clinique et biologique sur les LAL. Cette étude souligne l’importance des efforts des médecins et chercheurs à mener des études académiques au service de la recherche et des patients.
Les auteurs remercient chaleureusement les donateurs de l’Association pour leur soutien fidèle aux plateformes technologiques de l’Institut de Recherche Saint-Louis !
Significance of Measurable Residual Disease in Adult Philadelphia Chromosome-Positive ALL: A GRAAPH-2014 Study.
Kim R, Chalandon Y, Rousselot P, Cayuela JM, Huguet F, Balsat M, Passet M, Chevallier P, Hicheri Y, Raffoux E, Leguay T, Chantepie S, Maury S, Hayette S, Solly F, Braun T, De Prijck B, Cacheux V, Salanoubat C, Farnault L, Guibaud I, Lamarque M, Gastaud L, Lemasle E, Brissot E, Tavernier E, Bilger K, Villate A, Soulier J, Graux C, Lhéritier V, Dombret H, Boissel N, Clappier E. J Clin Oncol. 2024 Sep 10;42(26):3140-3150. PMID: 39028928.


Identification d’un nouveau sous-type de leucémie aiguë lymphoblastique nommé CDX2/UBTF, associé à une mauvaise réponse au traitement
La leucémie aiguë lymphoblastique de la lignée B (LAL-B) est le cancer le plus fréquent chez l’enfant, curable dans plus de 90% des cas. A l’inverse, chez l’adulte c’est un cancer rare et de pronostic encore médiocre, avec une survie d’environ 50%. Les LAL-B se caractérisent par des anomalies des chromosomes et des gènes observées dans les cellules leucémiques, qui permettent d’identifier des sous-types distincts, notamment concernant la réponse au traitement et le pronostic. Les anomalies des LAL-B de l’enfant sont bien caractérisées et très utiles pour adapter le traitement de chaque patient. Dans les LAL-B de l’adulte, la connaissance des anomalies et de leur impact pronostique est beaucoup moins avancée.
Les travaux menés par Emmanuelle Clappier visent à identifier de nouveaux sous-types parmi les LAL-B de l’adulte sans anomalie connue. Le laboratoire d’hématologie de l’hôpital Saint-Louis centralise pour la France les analyses moléculaires de l’ensemble des patients adultes atteints de LAL-B, dans le cadre du groupe coopérateur GRAALL. En réalisant une analyse de profilage d’expression génique sur 302 cas de LAL-B, Emmanuelle Clappier et ses collaborateurs ont identifié un nouveau sous-type. A l’aide d’une nouvelle technologie de séquençage du génome entier mise en place sur le site Saint-Louis, ils ont mis en évidence les anomalies à l’origine de ce type de leucémie et ont élucidé les conséquences moléculaires de ces anomalies génomiques, à savoir la dérégulation du gène CDX2 et la fusion UBTF::ATXN7L3.
Analyser les caractéristiques et le devenir des patients atteints de LAL-B CDX2/UBTF, a mis en évidence que ces patients étaient très majoritairement des jeunes femmes et que leur réponse au traitement était très mauvaise. En conséquence, l’incidence des rechutes chez ces patients était extrêmement élevée.
Ainsi, ces recherches ont permis d’identifier une nouvelle entité de LAL-B associée à un haut risque de rechute. La connaissance des anomalies moléculaires en cause va permettre de mettre en place un test diagnostique pour reconnaître ce type de leucémie chez les patients dès le début de leur prise en charge. Ceci permettra d’adapter leur traitement et peut-être plus tard, de découvrir de nouveaux traitements ciblés.
Ce travail a été publié dans la revue américaine Blood : « Concurrent CDX2 cis-deregulation and UBTF::ATXN7L3 fusion define a novel high-risk subtype of B-cell ALL. » Blood. 2022 Mar 22:blood.2021014723.
