Financements attribués aux recherches de l’IRSL

Identification de nouvelles cibles thérapeutiques dans la Leucémie Aiguë Myéloïde

L’équipe d’Alexandre Puissant se consacre à l’étude de la biologie des leucémies aiguës myéloïdes, type de leucémie particulièrement réfractaire aux traitements et qui est associé à un pronostic de survie très défavorable chez les patients. Ses travaux se focalisent notamment sur les processus d’accumulation de mutations génétiques, ainsi que l’établissement de mécanismes adaptatifs permettant aux cellules leucémiques de résister aux traitements. Grâce à une approche de criblage génétique, l’équipe a identifié différents gènes clés impliqués dans la prolifération et la survie des cellules leucémiques.

Les récents travaux d’Alexandre Puissant, publiés dans la revue Nature Cancer en 2024, ont révélé qu’inhiber l’expression des gènes responsables de la production de la protéine PIK3CG augmente la sensibilité des cellules de leucémie aiguë myéloïde aux traitements conventionnels. Cependant, les inhibiteurs classiquement utilisés pour cibler la protéine PIK3CG ne permettent pas d’obtenir un effet anti-leucémique à long-terme. Dans ce contexte, l’équipe d’Alexandre Puissant a développé un nouvel agent pharmacologique innovant, de type PROTAC, qui dégrade spécifiquement la protéine PIK3CG. Les tests en laboratoire réalisés sur des prélèvements de patients et en étude préclinique chez la

souris, ont révélé que cette molécule est particulièrement prometteuse pour ralentir la progression de la leucémie aiguë Myéloïde.

Alexandre Puissant remercie vivement l’Association Saint-Louis pour le financement attribué à ses recherches à l’Institut de Recherche Saint-Louis (IRSL).

Alexandre Puissant Alexandre Puissant

Compréhension des mécanismes épigénétiques impliqués dans le développement de la leucémie : vers de nouvelles approches thérapeutiques

L'équipe de Camille Lobry se concentre sur l'étude des mécanismes épigénétiques, modifications agissant sur l'activité des gènes sans changer la séquence de l'ADN. Les processus épigénétiques sont réversibles et comprennent par exemple les mécanismes qui compactent l’ADN et bloque sa lecture. Cette régulation dynamique joue un rôle clé dans l’activation ou la répression de certains gènes spécifiques, pouvant contribuer au développement de la leucémie. Dans ce contexte, les inhibiteurs épigénétiques ont récemment émergé comme des candidats prometteurs pour des traitements anti-cancéreux innovants.

L’étude publiée en 2022 dans le journal Science Advances par Camille Lobry se concentre sur la compréhension des mécanismes épigénétiques impliqués dans le développement d’un sous-type de leucémie appelé Leucémie Aiguë Mégacaryoblastique. Ces recherches ont permis d'identifier des régions spécifiques de l'ADN, appelées Super-Enhancers, qui jouent un rôle crucial dans la croissance et la survie des cellules leucémiques. Plus précisément, ces travaux ont identifié une région Super-Enhancer propre à la Leucémie

Aiguë Mégacaryoblastique et qui régule l'expression de deux récepteurs dont l’expression combinée est essentielle à la progression de la leucémie. En inhibant cette région Super-Enhancer ou inhibant ces récepteurs, l’équipe de Camille Lobry a pu ralentir la progression de la leucémie dans des modèles pré-cliniques dérivés d’échantillons de patients.

Les équipes de l’Institut de Recherche Saint-Louis remercient chaleureusement l’Association Saint-Louis pour le financement d’un système robotique IP-Star-Compact permettant d’automatiser et d’accélerer les analyses de la chromatine. Cet outil de pointe facilite l’analyse précise des modifications épigénétiques ouvrant la voie à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. 

Article : Benbarche S, Lopez CK, Salataj E, Aid Z, Thirant C, Laiguillon MC, Lecourt S, Belloucif Y, Vaganay C, Antonini M, Hu J, da Silva Babinet A, Ndiaye-Lobry D, Pardieu B, Petit A, Puissant A, Chaumeil J, Mercher T, Lobry C. Screening of ETO2-GLIS2-induced Super Enhancers identifies targetable cooperative dependencies in acute megakaryoblastic leukemia. Sci Adv. 2022 Feb 11;8(6):eabg9455. doi: 10.1126/sciadv.abg9455. Epub 2022 Feb 9. PMID: 35138899; PMCID: PMC8827662. 

Camille Lobry Camille Lobry

Interactions moléculaires et cellulaires entre les cellules hématopoïétiques et la niche ostéo-médullaire

L’équipe de Lina Benajiba étudie les interactions moléculaires et cellulaires entre les cellules hématopoïétiques et la niche ostéo-médullaire au cours du processus de développement de leucémie aigüe myéloïde (LAM). Le remodelage de ce dialogue devrait permettre in fine de développer des stratégies thérapeutiques préventives et curatives permettant d’améliorer le pronostic des patients atteints de LAM.

Pour ce faire, Lina Benajiba a développé en collaboration avec les équipes cliniques de l'hôpital Saint-Louis, des modèles de niche hématopoïétique humanisée en 2D et 3D.

L’équipe de Lina Benajiba remercie chaleureusement l’Association Saint-Louis pour l’acquisition d'un "Incucyte S3 Live Cell Analysis Instrument" qui permet d'optimiser et d’augmenter la capacité de découverte de nouvelles cibles thérapeutiques et de validation pré-clinique de ces dernières.

L'appareil est installé à l'intérieur d'un incubateur à hypoxie afin de mimer le plus fidèlement possible les conditions de développement leucémique au sein de l'environnement ostéo-médullaire. Grâce à l'acquisition automatisée d'images microscopiques en temps réel, cet appareil qui comprend un microscope intégré (objectifs 4X, 10x et 20x) couplé à un lecteur de fluorescence permet l'automatisation de la détection des effets de différentes perturbations chimiques et/ou génétiques sur la prolifération cellulaire dans des systèmes de culture complexes tels que nos modèles de niche hématopoïétique humanisée. Il comprend également un logiciel d'analyse intégré qui facilite l'exploitation des données obtenues. 

Lina Benajiba Lina Benajiba

Analyses génétiques à l’échelle cellule unique : vers une médecine de précision

Les hémopathies malignes (leucémies aiguës, syndromes myélodysplasiques, néoplasies myéloprolifératives) sont des pathologies tumorales dont l’origine est liée à l’acquisition d’anomalies moléculaires dans les cellules souches hématopoïétiques. Alors que la production des cellules sanguines normales est polyclonale, c’est-à-dire qu’il y a des cellules issues de nombreuses cellules souches différentes, l’acquisition d’une anomalie moléculaire confère un avantage sélectif aux cellules mutées que l’on identifie alors comme des clones cellulaires. Les progrès récents de la génomique ont permis d’identifier de nombreux gènes qui sont mutés dans ces pathologies. Il est maintenant bien connu qu’un même malade héberge des cellules qui portent des mutations différentes, correspondant ainsi à des clones cellulaires distincts. On sait que les cellules vont acquérir plusieurs mutations avec le temps.

On considère que l’hétérogénéité de pronostic et de réponse aux traitements parmi les patients atteints d’un même sous-type d’hémopathie est étroitement liée aux différents clones présents chez ces patients. En effet certaines mutations confèrent aux cellules qui les portent un comportement plus agressif que d’autres mutations.

Les techniques actuelles de génomique appliquées aux prélèvements sanguins ou de moelle osseuse permettent de connaitre l’ensemble des mutations présentes chez un patient, mais il n’est pas possible de connaitre à l’échelon cellulaire la composition exacte des clones, à savoir est ce que la mutation a se trouve isolée ou bien associée à la mutation b ou c. Pour avoir accès à cette information très importante il est nécessaire d’isoler des cellules uniques pour analyser les mutations que chaque cellule contient. Ceci était totalement impossible jusqu’à tout récemment.

Raphael Itzykson et Bruno Cassinat remercient chaleureusement l’Association Saint-Louis pour le financement d’un équipement Tapestri (Mission Bio) qui permet d’analyser plusieurs milliers de cellules simultanément afin de déterminer pour chacune de ces cellules la présence de mutations dans les gènes d’intérêt pour les hémopathies.

Cette technologie innovante a notamment permis à l’équipe de Raphael Itzykson d’analyser les cellules leucémiques individuelles provenant de 11 patients atteints de leucémie aiguë myéloïde (LAM) avec mutation NPM1. La cartographie de la structure génétique des clones de cellules leucémiques permet d’explorer comment les mutations génétiques coexistent et influencent la différenciation des cellules sanguines à un niveau extrêmement détaillé, cellule par cellule. Cette recherche offre une nouvelle perspective sur les causes génétiques et non génétiques du blocage de la différenciation observé dans la LAM. Elle constitue une preuve de concept pour une médecine de précision, en s’appuyant sur une compréhension fine de la diversité génétique et phénotypique des cellules leucémiques.

Matthieu Duchmann Matthieu Duchmann
Raphael Itzykson Raphael Itzykson

Cet équipement a également permis aux équipes de Jean-Jacques Kiladjian et Bruno Cassinat d’étudier les mécanismes de transformation des néoplasmes myéloprolifératifs chroniques (MPN) en leucémie. L'acquisition de mutations dans le gène TP53 est notamment considérée comme un événement clé. Cependant, ces mutations seules ne donnent pas automatiquement aux cellules un avantage pour se multiplier davantage ; un processus de sélection est nécessaire pour que les clones mutants se développent. L’étude à l’échelle cellule unique avec le Tapestri a permis de mettre en évidence que les mutations de TP53 sont des événements tardifs dans l'évolution des MPN. De plus, les inhibiteurs de MDM2 peuvent directement favoriser la sélection et la croissance des cellules MPN portant des mutations de TP53. En résumé, cette étude montre pour la première fois qu’un traitement médicamenteux peut directement favoriser l’émergence de sous-clones mutés TP53 dans les MPN.

Ces travaux ont récemment publiés en 2022 dans Blood Advances :

Maslah N, Verger E, Giraudier S, Chea M, Hoffman R, Mascarenhas J, Cassinat B, Kiladjian JJ. Single-cell analysis reveals selection of TP53-mutated clones after MDM2 inhibition. Blood Adv. 2022 May 10;6(9):2813-2823. doi: 10.1182/bloodadvances.2021005867. PMID: 35030630; PMCID: PMC9092407. 

Enfin, cet équipement a également permis d’étudier les mutations génétiques d’un sous-type de leucémie appelée Leucémie Aiguë Lymphoblastique B (LAL-B). Cette recherche, menée par Emmanuelle Clappier a permis de détecter un nombre réduit de chromosomes (appelée hypodiploïdie) à chez 14% des 591 patients analysés. La proportion d’hypodiploïdie est souvent manquée par les tests cytogénétiques classiques et augmente fortement avec l’age. Des analyses au niveau de cellules uniques ont révélé la présence d’un clone préleucémique TP53-muté. Ce phénomène évoque un processus de hématopoïèse clonale liée à l’âge, où des clones mutés émergent et peuvent évoluer vers des maladies graves comme la Leucémie Aiguë Lymphoblastique avec hypodiploidie.

Ces travaux ont été publiés en 2023 dans Blood Cancer Discovery.

Kim R, Bergugnat H, Larcher L, Duchmann M, Passet M, Gachet S, Cuccuini W, Lafage-Pochitaloff M, Pastoret C, Grardel N, Asnafi V, Schäfer BW, Delabesse E, Itzykson R, Adès L, Hicheri Y, Chalandon Y, Graux C, Chevallier P, Hunault M, Leguay T, Huguet F, Lhéritier V, Dombret H, Soulier J, Rousselot P, Boissel N, Clappier E. Adult Low-Hypodiploid Acute Lymphoblastic Leukemia Emerges from Preleukemic TP53-Mutant Clonal Hematopoiesis. Blood Cancer Discov. 2023 Mar 1;4(2):134-149. doi: 10.1158/2643-3230.BCD-22-0154. PMID: 36630200; PMCID: PMC9975768. 

Bruno Cassinat Bruno Cassinat
Jean-Jacques Kiladjian Jean-Jacques Kiladjian

Micro-environnement de la niche hématopoïétique dans les hémopathies malignes myéloïdes

Les Syndromes Myélodysplasiques (SMD) sont des hémopathies malignes myéloïdes clonales affectant la moelle osseuse (MO), survenant le plus souvent chez le sujet âgé, et pouvant évoluer en Leucémie Aiguë Myéloïde (LAM) chez un tiers des patients. Les lymphocytes innés Natural Killer (NK) sont des cellules effectrices importantes dans l'élimination des cellules leucémiques. Les SMD sont souvent associés à des mutations génétiques dans les cellules leucémiques, notamment dans le gène TET2, qui joue un rôle dans la régulation épigénétique.

Les cellules Natural Killer (NK) sont des globules blancs qui permettent normalement de détruire les cellules leucémiques. Cependant, les cellules NK sont souvent anormales dans les LAM et les SMD, ce qui ne leur permet pas de contrôler le développement de la leucémie. L’équipe de Karl Balabanian étudie l’environnement de la moelle osseuse des patients atteints de syndromes myélo-dysplasiques (SMD) dans le but d’identifier les facteurs à l’origine des défauts des cellules NK. Pour cela, ils réalisent des cultures cellulaires en 3 dimensions (3D) mettant en jeu des cellules de SMD et les cellules

souches dont dérivent les cellules NK. Leur analyse porte sur des molécules sécrétées appelées chimiokines, impliquées dans la communication intercellulaire, le mouvement et la localisation des cellules dans la moelle osseuse. L'impact des traitements par un agent hypo-méthylant (azacitidine), couramment utilisé chez les patients atteints de SMD, est évalué à la fois directement sur les échantillons de patients et dans un modèle de culture 3D. Ainsi, les recherches de cette équipe ont pour objectif d’identifier des cibles thérapeutiques en vue de restaurer une réponse immunitaire anti-leucémique efficace.

Dans une étude publiée en 2023 dans le journal Nature Communication, Nicolas Dulphy (équipe de Karl Balabanian) a démontré que les cellules NK présentent des anomalies chez les patients avec une mutation TET2. En effet, les cellules NK portent la même mutation TET2 que les cellules cancéreuses et présentent des altérations qui diminuent leur efficacité. Leurs travaux ont permis de mettre en évidence que l’inhibition in vitro (au laboratoire) de TET2 dans les cellules NK de personnes en bonne santé diminue leur capacité à tuer les cellules cancéreuses. À l’inverse, chez des patients traités avec l’azacitidine, un médicament utilisé contre les SMD, les cellules NK retrouvent une meilleure activité, avec une augmentation des protéines KIR, des protéines cytotoxiques et de la production d’IFN-γ, une molécule impliquée dans la réponse immunitaire.

Ces résultats suggèrent que, en plus de favoriser l’apparition des cellules cancéreuses, les mutations TET2 affaiblissent la réponse immunitaire en altérant les cellules NK, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour renforcer l’immunité des patients atteints de SMD.

Karl Balabanian remercie vivement l’Association Saint-Louis pour le financement attribué à ses recherches à l’Institut de Recherche Saint-Louis (IRSL), notamment le financement d’un incubateur et d’une hotte de culture cellulaire (PSM).

Boy M, Bisio V, Zhao LP, et al. Myelodysplastic Syndrome associated TET2 mutations affect NK cell function and genome methylation. Nat Commun. 2023;14(1):588. Published 2023 Feb 3. doi:10.1038/s41467-023-36193-w 

Karl Balabanian Karl Balabanian